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Merveilleux scientifique au sixième siècle

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3256121960.jpgDans un poème, saint Venance Fortunat, qui vivait au sixième siècle, loua saint Félix, évêque de Nantes, d’avoir détourné un bras de la Loire de son cours grâce à un endiguement, et d’avoir ainsi renversé, par une loi nouvelle, l’ordre naturel, élevant une vallée, abaissant une montagne, faisant passer l’eau par-dessus les collines, permis aux chariots de passer là où voguaient des navires… Il ajoute même que si Homère vivait encore, ce n’est pas Achille et ses prodiges, qu’il chanterait, mais Félix et ses travaux!
 
Cela m’a amusé, car à la grande époque du merveilleux scientifique, on prétendait souvent que les anciens poètes, s’ils revenaient, au lieu de chanter les fables et les miracles, ne manqueraient pas de célébrer la réalité du progrès scientifique de notre temps… Le plus plaisant est qu’on s’imaginait, en disant cela, qu’on entrait dans un moment de l’histoire inouï, comme si jamais on n’avait jusqu’alors songé à chanter les merveilleuses réalisations techniques de l’être humain!
 
Cet endiguement effectué par Félix avait sans doute pour but d’accroître la partie cultivable des terres: il s’agissait de mieux nourrir la population. Doit-on en tirer que les chrétiens ont abandonné la mythologie pour la remplacer par un réalisme vantant les mérites des prêtres? On sait bien que, souvent, ils ont également évoqué les symboles de la Bible, ou la légende des saints martyrs, créant un merveilleux spécifique, cher à Chateaubriand et aux romantiques savoyards; l’éloge des réalisations humaines vient plutôt de l’ancienne Rome, du panégyrique des hommes publics qui rendaient d’insignes services au peuple. Le christianisme a ici surtout cherché à moraliser le genre, en mettant en avant le but; mais on ne peut pas nier que Venance Fortunat ait chanté avec force un ouvrage d’art, et le génie de son concepteur.
 
La vraie différence avec la science-fiction, me semble-t-il, est que celle-ci ne se contente absolument pas de s’extasier devant les réalisations du pouvoir en place, ou des chevaliers d’industrie, comme on le fait en réalité depuis l’antiquité! La technologie a toujours enchanté les peuples, même dans les temps primitifs. Les Savoyards qui célébraient le tunnel du Fréjus au temps de Charles-Albert ne pensaient pas du tout créer un genre nouveau. La naïveté des amateurs d’avions et de machines en tout genre est à cet égard troublante. La science-fiction se porte vers l’avenir: elle fantasme des machines nouvelles, des réalisations possibles. Elle s’appuie sur l’imagination. Or, c’est quelque chose que ne faisaient pas les Romains, qui ne célébraient que le présent. Les Grecs, en général, projetaient leur imagination dans le passé, attribuant les prodiges techniques aux demi-dieux. Seuls les Juifs montraient une capacité à évoquer les miracles à venir de l’humanité sanctifiée par le messie: j’en ai parlé, ailleurs.
 
À l’époque moderne, en France, on peut le dater des dernières pages de Quatrevingt-Treize, de Victor Hugo, ou de son poème Plein Ciel; Jules Verne, ensuite, en détaillera les visions.

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