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La prophétie comme miracle (François de Sales)

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1371426433.jpgDans le livre de Job, on trouve:
 
Dieu révèle les profondeurs des ténèbres, 
Et il fait paraître dans la lumière l’ombre de la mort.
 
Ce qu’on peut comprendre ainsi: il donne la vision de ce qu’est la mort, qui est cachée aux yeux physiques. Il montre le monde au-delà du voile de la matière. Dans ses Controverses, François de Sales regardait le don de prophétie, ou de clairvoyance, comme le plus grand miracle qu’on pût concevoir. Dans l’Imitation de Jésus-Christ, Thomas a Kempis disait que ces révélations étaient faites gracieusement aux âmes pures. François de Sales estimait, du coup, que des miracles de ce genre avaient été parfois accordés à des païens doués de vertus assez authentiques pour plaire à Dieu; il laissait entendre que Platon, sur le monde de l’au-delà, avait été privilégié dans ses idées, et qu’il était digne de respect.
 
Ce fut longtemps, je crois, la doctrine de l’Église romaine. Des visions des saints, on créa au Moyen Âge nombre de symboles qui ensuite se matérialisèrent dans les églises sous forme de tableaux, de statues. En préparant une conférence sur l’art baroque en Savoie et en lisant à cet effet un excellent livre de Fernand Roulier, j’ai appris que la Contre-Réforme, à la fin du seizième siècle, avait, pour empêcher les abus dénoncés par les Réformateurs, interdit la création de symboles nouveaux: seuls étaient permis de représentation ceux que la Bible contenait (par exemple la colombe figurant le Saint-Esprit, ou l’Ancien des Jours pour le Père céleste), ou ceux que la tradition avait consacrés, en particulier lorsqu’ils venaient de saint François d’Assise et de ses disciples - tel saint Bonaventure, qui aurait eu le premier la vision du Sacré-Cœur.
 
Or, la littérature catholique, effectivement, tendit à rejeter toute forme de figures nouvelles. D’abord,  il fut licite et même recommandé de vénérer les anciennes, comme on le voit chez François de Sales, qui à cet égard était encore médiéval; mais peu à peu, on rejeta tout ce qui était regardé comme impur, comme insuffisamment sublime, et Pierre de Bérulle, à Paris, n’accorda somme toute comme icône digne d’adoration que l’image de Jésus-Christ. Le rationalisme, notamment en France, s’empara du catholicisme et réduisit peu à peu le merveilleux chrétien à quelques figures, d’ailleurs subrepticement soumises au naturalisme historique: Ernest Renan, avec sa Vie de Jésus, ne fut pas désavoué.
 
Parallèlement, le besoin de créer des figures nouvelles se développa, et ce fut, bientôt, contre le catholicisme officiel. Même Joseph de Maistre dut se nourrir du lait de l’illuminisme de Saint-Martin pour demeurer dans la vision prophétique. Et on sait que Victor Hugo rejeta l’Église latine parce qu’elle rejetait l’imagination libre. Goethe et Flaubert du reste se distancièrent d’emblée de la religion officielle.
 
Or, François de Sales, pour dénier aux Réformateurs le droit d’être inspirés par le Saint-Esprit, assura que les prophètes de l’Ancien Testament appartenaient à un collège réglementé, clairement organisé: ce qui n’avait à mon avis que peu de sens et marquait sa volonté qu’on se soumît à Rome. Lui-même ne fut jamais assez hardi pour imiter les saints visionnaires!
 
Pour moi, la défiance vis-à-vis de l’imagination romantique a cette source.

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