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Goethe, François de Sales et les Frères Moraves

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1768695219.jpgGoethe a consacré un livre des Années d’apprentissage de Wilhelm Meister aux mémoires d’une belle âme, laquelle est nourrie de piétisme et liée aux Frères Moraves. On y trouve le passage suivant : je m’étais soutenue par l’imagination, en remplissant toujours mon esprit d’images qui avaient rapport à Dieu, et assurément c’était déjà une bonne chose, car cela écarte en même temps les images nuisibles et leurs funestes effets. Puis notre âme s’empare souvent de quelqu’une de ces images spirituelles, et, avec ce secours, elle prend son essor, comme un oiselet voltige d’une branche sur une autre. Tant que l’on n’a rien de mieux, cet exercice n’est pas à rejeter.
 
Cela rappelle curieusement un texte de François de Sales dans lequel il encourageait vivement à l’imagination mystique, la disant une phase nécessaire dans l’évolution intérieure : dans un premier temps, elle seule pouvait faire approcher des mystères divins.
 
Certes, il admettait que les plus sacrés d’entre eux étaient au-delà des figures qu’on pouvait se créer ; mais que ce stade était obligatoire pour accéder au suivant, et qu’il fallait aussi se défier des esprits trop ambitieux qui voulaient tout de suite pénétrer les idées pures de la divinité sans en passer par leur vivification au moyen de l’icône intérieure.
 
Goethe, du reste, ne fera pas dans une poésie abstraite et dénuée d’images - même si, chez lui, la fable doit toujours élever l’esprit à des concepts élevés, impossibles à exprimer directement, mais dont on doit tout de même faire l’expérience : le Faust en donne l’exemple constant, car il s’agit d’un des textes de l’Occident moderne qui mêlent le plus intimement la haute philosophie au merveilleux. D’ordinaire, soit la fable est plus légère, plus portée vers la fantaisie pure, soit les concepts complexes dissolvent les mythes dans le néant - dédaignant le monde imaginal cher à Henry Corbin. C’est pourquoi Goethe apparaît comme un sommet, et en Allemagne incarne idéalement le classicisme.
 
Toutefois, chez François de Sales, il ne s’agit pas non plus de créer des images destinées au plaisir des sens, comme chez les poètes profanes, mais bien de les relier à des idées élevées, qui sont celles du christianisme tel qu’il le concevait.
 
Or, le classicisme français tend au contraire à assujettir l’image au concept, tirant la littérature vers le rationalisme. Goethe eut une tout autre influence, puisque, venu après l’Aufklärung, il a ouvert la porte au romantisme, qui voulait développer cet aspect imaginal.
 
De son côté, François de Sales a certainement inspiré le baroque savoyard, mais aussi, au dix-neuvième siècle, le romantisme local, imprégné d’un merveilleux chrétien que les classiques français avaient rejeté comme barbare et moyenâgeux, voire païen.
 
Cela constitue une sorte de lien entre les Savoyards et les Allemands.

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