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Jeanne Guyon et le libre arbitre

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2620929067.JPGUn des points fondamentaux qui opposèrent Jeanne Guyon au clergé français fut de savoir si la grâce de Dieu était contraignante ou si l’on demeurait libre de la refuser. Pour les prêtres catholiques, elle avait un caractère obligatoire : elle s’imposait à la volonté individuelle. Mais la pieuse dame accordait trop à la libre volonté pour partager cette opinion. La volonté individuelle était à ses yeux nécessaire dans l’union avec la divinité. La grâce inexorable que Dieu avait donnée à l’Homme, c’était justement la liberté de s’unir ou pas à Lui ! C’est par là qu’il tenait au Ciel. De ce point de vue qu’il avait été créé à Son image…
 
Il est possible que les parties en présence ne se soient pas comprises, les théologiens pensant définir l’Homme de manière globale, et Jeanne Guyon songeant d’abord à lui en tant qu’il suivait le chemin mystique. Le fait est qu’elle n’était pas une intellectuelle à proprement parler, puisque, de son temps, les femmes n’étaient pas autorisées à raisonner sur ces questions; le fait est, aussi, que la plupart des théologiens n’avaient pas une vie intérieure bien riche… Mais il y avait également, de la part de ceux-ci, la peur de voir se lier l’Homme à la Divinité sans eux : l’Homme devait en passer, à leurs yeux, par l’Autorité, et ne pas chercher à s’unir à Dieu à partir de ses forces propres.
 
Plusieurs, du reste, reprochèrent également à François de Sales d’avoir placé dans le public profane des voies initiatiques jusque-là réservées aux religieux. La volonté de concilier vie extérieure et vie intérieure n’existait pas: on était de l’une ou de l’autre. Les moines priaient pour le salut des âmes, et les laïcs devaient, de leur côté, obéir aux prêtres. Par ses figures sacrées qu’il appelait jusqu’aux dames à méditer par elles-mêmes - par ses explications permettant à chacun de prendre en charge sa vie spirituelle -, le pieux évêque de Genève offrait à tout dévot sincère le moyen d’obtenir la Grâce.
 
La question de l’oraison mentale - silencieuse - est ici cruciale, puisqu’elle échappait à tout contrôle: Jeanne Guyon a montré à quel point le problème tournait autour de cette liberté que permettait le silence de l’âme en racontant que son mari, précisément, ne supportait pas de la voir s’adonner à cette forme de prière, et que, ne lisant pas dans ses pensées, il n’avait aucun moyen de l’en empêcher. Or, c’est lui que soutenaient les prêtres, dans ce débat. L’autonomisation de l’esprit allait à l’encontre de la sacralisation du lien social et de la soumission de la femme à l’homme, du peuple aux seigneurs. D’une certaine façon, la résistance de Jeanne Guyon a préparé la Révolution.

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